Lorsque j’ai développé cette pellicule à l'automne 2016, je ne savais pas ce que j’y trouverais.
J’avais oublié.
Or, il est apparu sur ces photographies des souvenirs reclus.
Je dus faire face, en image, à ces quelques mois qui ont suivi les attentats de l’année 2015 à Paris. À cette même époque, le CNRS avait déjà débuté une grande étude sur l’impact des attentats sur la population. Je fais partie d’une des cohortes de la recherche qui s’achèvera en 2028. En parallèle de ces évènements historiques, je subis personnellement du harcèlement et suis victime de deux agressions sexuelles d’une personne de mon entourage, d’une personne que je photographie, d’une personne dont je photographie les ami.es, mes ami.es.
En 2018, la bulle protectrice dans laquelle je m’étais réfugiée éclate. La fugue dissociative se transforme en fuite, je quitte Paris à la hâte.
Ce travail interroge le trouble de la mémoire qui survient à la suite d’un choc traumatique. Comme un liquide qui se répand, il s’invite partout. Le temps se distend. Les repères et les souvenirs référents se déboulonnent.  Apparaît l’obligation de se rattacher à des faits tangibles, de convoquer le réel pour s’y raccrocher comme à une bouée pour se permettre de se souvenir du banal et de l’infra-ordinaire. C’est la photographie qui permet en se faisant témoin, preuve et aussi souvenir de tisser en filigrane les repaires nécessaires à nos reconstructions via l’évocation des évènements traumatiques. Les sujets de mes photographies deviennent alors un moyen de retrouver ce qui a disparu. À la manière d’Agnès Varda dans son film « Ulysse », je les interroge. Et c’est cette réécriture du réel qui me permet ici de transformer ces évènements traumatiques en une représentation personnelle et intime que je puisse maitriser et chérir.

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